mardi 31 mars 2020

Le 3ème cycle est lancé

Allez, je vous dis tout :
Le confinement m’a permis de repenser mes priorités, et j’ai décidé d’attaquer ce que j’avais vraiment envie de faire au fond de moi sans oser me l’avouer : un troisième cycle UNE NUIT À ROME sur l’âge d'or de Marie et de Raphaël.
"À 75 ans, ils se sont promis de passer ensemble la nuit de leur 95 ans… Réussiront-ils ?"
Se retrouver en Ephad, affronter l’ostéoporose, la prothèse de hanche de Raphaël, accepter de porter des lunettes-loupe devant l’être aimé, les difficultés de sécheresse vagi… Euh, bref, plein d’obstacles qui ne manqueront de se dresser sur le chemin des deux amants éternels pour un récit vibrant et sensible au coeur de l'humain.
Hâte de vous montrer les premières pages...

lundi 30 mars 2020

Illustration couleur

Que va-t-il devenir cette illustration ?
Je ne sais pas encore... mais je doute qu'elle ne trouve pas sa place...
Couverture de tirage de tête ? De coffret ?

dimanche 29 mars 2020

L'érection - au théâtre

Bonjour, 
je propose un texte en lecture gratuite. 

Avec Lounis Chabane au dessin et Delphine à la couleur, nous avons fait un album intitulé L'ÉRECTION. C'est un album dont je suis particulièrement content, que nous projetons d'adapter au cinéma (co-écrit avec Bernard Jeanjean). Et en parallèle, je viens d'achever l'adaptation théâtre, impulsé par une actrice à l'énergie particulièrement positive. 
La période de confinement a accéléré l'écriture, que je dévoile ici dans sa première version, achevée ce week end. Autant dire que des améliorations seront inévitables, mais ça donne déjà une bonne idée, et vous savez que j'aime partager mes avancées (garder pour soi nest pas très amusant).
Le texte étant trop long pour être posté d'une traite, je poste ici la première moitié. La seconde moitié dans quelques jours. 


Cette idée de théâtre a toujours été dans l'ADN du projet. Je ne prenais jamais le temps décrire cette adaptation. Cest chose faite.
Il me semble que c'est possiblement intéressant pour les lecteurs de la BD de découvrir la version théâtre, de même qu'il me parait intéressant pour les lecteurs du texte ci-dessous de pouvoir en découvrir après coup la version BD, mise en images par Lounis Chabane. Si ça peut aider à faire découvrir le travail fait sur la BD, cest bien aussi !
Bref, je vous souhaite une bonne lecture.

En espérant que cette érection vous comblera de bonheur.
Bises !



  
L'érection.

Une pièce de théâtre en 5 actes
écrite par Jim 
Adaptée de la bande dessinée « L’érection » 
de Jim et Lounis Chabane.
       
   

Acte 1

Le rideau s’ouvre sur un appartement joliment décoré, avec de grandes fenêtres s’ouvrant sur des décorations de noël dans la rue. Un sapin de noël clignote dans l’appartement. Assiettes et couverts sont dressés sur une table basse. Léa, quarante huit ans, élégante en tenue de soirée, termine de se maquiller devant un miroir mural.
Florent, faux jeune ébouriffé, cheveux gris ici et là, allure d’écrivain, sort de la salle de bain en enfilant une chemise noire.
FLORENT
Mon cœur, je mets laquelle ? Ma chemise blanche ou la noire ?
LÉA
Là, tu as mis la noire.
FLORENT
Non mais toi tu préfères laquelle ? Celle là ou la blanche ? 
LÉA
Moi j’aime bien la blanche. 
FLORENT, finissant de boutonner sa chemise
En même temps la noire, elle m’affine… Elle fait une silhouette plus svelte, non ?
LÉA, indifférente, repartant vers son maquillage
Fais comme tu veux. Ne me demande pas, alors…
FLORENT
Non, t’as raison, je vais mettre la blanche. Si tu préfères… (Il déboutonne sa chemise) Ils sont censés arriver à quelle heure ?
LÉA
Oh, comme d’habitude, on a dit vingt heures, donc pas avant vingt et une heures… (Elle se tourne vers Florent) C’est pas trop, là ?
FLORENT
C’est pas trop quoi ? 
LÉA
Mon maquillage. Le noir aux yeux.
FLORENT, plissant les yeux
Non, je crois pas… (Il essaie de boutonner la chemise blanche, mais elle est trop étroite. Il continue de regarder Léa.) Je suis sûr que c’est très bien… (Il met ses lunettes) Oui, c’est très bien, fais voir ? (Il plisse tout autant les yeux avec ses lunettes) Oui oui ça va. (Ôtant sa chemise) Bon, la blanche elle ne m’aime pas du tout. J’avais raison je vais mettre la noire, c’est mieux.
Un temps.
LÉA
Florent, je peux te poser une question ?
FLORENT
Oui, mon cœur ?
LÉA
Dis-moi franchement… Tu trouves que je fais plus jeune ou plus vieille qu’Alexandra ?
FLORENT
Qu’Alexandra ? Ah mais tu ne peux pas comparer, elle est plus jeune, Alexandra.
LÉA, piquée à vif
Ah mais pas du tout ! Elle a quarante huit ans, j’ai quarante huit ans.
FLORENT
Ah oui ? 
LÉA
Eh oui !
Florent hésite, il ne sait quoi dire...
FLORENT
Ah ben vous faites plus jeunes toutes les deux, alors…
LÉA
Ouais, tu t’en sors bien, voyou va ! (Ça sonne !) Ah ! (Florent va ouvrir. Passant devant Léa, au passage elle tape sur son ventre) Et rentre ton ventre, ça fait une bosse là ! 
La porte s’ouvre sur un couple qui tient des fleurs et une bouteille de champagne. 
FLORENT
Salut ! 
ALEXANDRA, belle blonde un peu tape à l’œil
Salut toi !
FLORENT
Entrez, entrez ! Salut les beautés ! Tombez les manteaux, ça chauffe à bloc ici !
JEAN-FABRICE
Ça pèle dans les parties communes, ‘fait moins quinze, dehors ! Tu paies pas tes charges au syndic ou quoi ? Salut gars !
ALEXANDRA
Wah, Léa ! Ça fait plaisir de vous voir. Salut ! Les enfants  ne sont pas là ?
LÉA
Eh non. Je les ai déposé chez mes parents ce matin ! Jusqu’à noël ! On savoure le calme, je te jure ! Salut ma grande !
FLORENT
Si je peux me permettre, tu es très en beauté ce soir, Alexandra ! 
ALEXANDRA
Écoute-le, lui ! Un compliment, je prends ! C’est pas souvent !
JEAN-FABRICE, avec ironie
Ça, c’est pour moi. Prends ça dans ma gueule. C’est le premier skud, mais à mon avis ce ne sera pas le dernier, ah ah ! 
ALEXANDRA, légère
Ça va, je plaisante ! (Tendant la bouteille à Florent) Tiens, toi je suis sûr que tu sauras ouvrir ça !
FLORENT
Ah ça c’est dans mon domaine de compétence ! Et j’ai sa petite sœur au frais ! Installez-vous ! 
Les lumières changent et deviennent beaucoup plus tamisées. Les personnages sont dans l’ombre et se positionnent sur le canapé d’angle. Alors, seule une lumière éclaire Florent qui se tourne vers le public. 
FLORENT 
Petite soirée entre couples, donc. Pas désagréable, rien d’extraordinaire non plus. Deux bouteilles de champagne, apéro, tapenade faite maison, guacamole, discussion réglée comme du papier à musique : un tiers enfant, un tiers potes, un tiers série TV. 
ALEXANDRA, tendant un cadeau
Bon allez ! Je ne tiens plus ! Bon anniversaire à ma super copine !
LÉA
Ah, c’est pour moi ? C’est gentil !
JEAN-FABRICE
Merde ! C’était ton anniversaire ? Première nouvelle, merci de
m’avoir prévenu ! 
ALEXANDRA
Mais c’est de notre part à tous les deux, t’inquiète !
JEAN-FABRICE
Oui enfin, la prochaine fois préviens-moi à l’avance, je passerais un peu moins pour un con.  
LÉA, faisant diversion
J’ouvre mon cadeau ? J’ai le droit ? 
ALEXANDRA
Allez, tu as le droit ! Oui, oui, ouvre ! T’es plus vieille que moi, maintenant !
LÉA
Oh ça va ! De deux mois !
ALEXANDRA
Deux mois et six jours ! Je suis plus jeune, que ça te plaise ou non !
FLORENT, se levant
Ah, si c’est le moment des cadeaux d’anniversaire… je vais fouiller dans l’armoire aux cadeaux, eh eh… Voir si je n’ai pas un petit quelque chose pour ma chère et tendre… Je reviens…
LÉA, découvrant le cadeau d’Alexandra
WOA ! Massage ! Oh ! Mais c’est chez le Thaïlandais, là ? Celui que t’as essayé vendredi ?
ALEXANDRA
Oui ! Écoute, j’ai craqué ! Faut absolument que tu y aille, tu vas mourir de plaisir ! Il a des mains… De belles mains, de grandes mains, et il masse divinement bien…
JEAN-FABRICE
Littéralement c’était la découverte de l’orgasme, c’est ce qu’elle m’a dit en rentrant… C’est agréable, hein ? On se sent utile.
Florent arrive avec son paquet.
FLORENT
Ta ta taaaaaa ! Tiens ma chérie. Très très bel anniversaire !
LÉA
Ah c’est quoi, mon cœur ? 
FLORENT
Ah ah, ouvres ! Tu vas voir…
Léa déballe son cadeau.
LÉA
Je fais semblant de faire la fille qu’est au courant de rien, mais c’est moi qui choisi à chaque fois… Oh, je crois que ça va être un parfum… J’ai juste ?
FLORENT
… et un soin du corps !
Elle déballe toujours.
ALEXANDRA
Et un soin du corps. Tu trouves que mon corps à besoin de soins, Florent ?
FLORENT
Excellente répartie ! Tu sais bien que ton corps est parfait, mon cœur !
Léa a fini de déballer son paquet. Contre toute attente, elle tire une tête déconfite en découvrant son cadeau.
LÉA
Ah non, Florent… Ça ne va pas être possible.
FLORENT
Quoi ?
LÉA
Tu t’es trompé de paquet. C’est le Shalimar.

FLORENT
Oup’s, pardon ! Le cadeau pour ma mère, AÏE ! La boulette ! Noël dans trois jours, c’est un bordel dans l’armoire des cadeaux… ! Pardon ! Je reviens, je reviens ! Petit échange express !
LÉA, à ses potes
Ça y est ! Il me confond avec sa mère, maintenant ! Vieillir en couple est un naufrage…
ALEXANDRA, désabusée
Ah, ça ! Tu prêches une convertie…
LÉA
Je te resserre ! Allez, on bois ! Pour oublier !
ALEXANDRA
Pour oublier ! À nous ! Aux grandes naufragées.
La salle s’obscurcit, seule la lumière reste sur Florent. 
FLORENT
Alors on accélère, petit repas, je vous passe les détails : entrée, plat, fromage, dessert, café, limoncello… Ça traine plus que je n’avais prévu, j’attends le moment où tout ce petit monde va gentiment se lever pour partir… Et c’est là, à la fin du repas, quand les conversations commencent à s’éterniser que ça a vraiment commencé. Léa s’est tournée vers Alexandra et Jean-Fab et elle a lancé, comme ça :
LÉA
Et vous deux au fait ? Les envies de déménagement ? Toujours d’actualité ?
ALEXANDRA
Ah mais c’est plus que jamais d’actualité…
JEAN-FABRICE
Ça devient même une nécessité. Et on ne cherche plus un appartement, on cherche deux appartements. Autant dire que ça va faire mal au budget. 
ALEXANDRA
Oui, la bonne nouvelle de la soirée, c’est que c’est acté : Jean-Fab et moi on se sépare.
LÉA
Mais arrête ! 
FLORENT
Mais non…
LÉA
On vous connait par cœur. C’est cyclique chez vous, votre séparation à venir… Jamais vous ne vous quitterez !
JEAN-FABRICE
Oh, détrompe-toi. Là, on a atteint le point de non retour. Évoquer le sujet ne nous fait plus ni chaud ni froid. Nous abordons le sujet avec un recul chirurgical. 
ALEXANDRA
Florent, est-ce que tu nous as vu nous engueuler ce soir avec Jean-Fabrice ?
FLORENT
Non, enfin… Comme d’hab, pas plus…
LÉA
Oui, c’est vrai que… 
JEAN-FABRICE
Si il n’y avait pas la crise, cette incapacité à se loger décemment, il y a déjà longtemps qu’on ne vivrait plus ensemble. Bref, c’est officiel. Je suis libre, elle est libre. 
LÉA
Non, non non ! Moi, en tout cas, je n’y crois pas. 
FLORENT, au public
Et c’est là, par défense peut être, par instinct de protection sûrement, que sous la table, Léa a posé sa main gauche sur ma jambe. Juste là, comme ça. Oh, sans même s’en rendre compte, un simple geste machinal. Et elle a fait une drôle de tête, avec les deux yeux qui sortent des trous.
Léa regarde Florent fixement.
FLORENT, au public
Franchement, elle fait une drôle de tête, hein ? 
(À Léa) Quoi ?
LÉA, fermée
Non, rien.
FLORENT
Si, quoi ? Tu me regardes bizarre…
Tendue. Léa se lève.
LÉA
Rien, je te dis ! Florent, tu m’aides à débarrasser s’il te plaît ?

FLORENT
Euh… Oui, si tu veux… Pardon ! Je dois aider Léa à débarrasser… 
Florent se lève.
ALEXANDRA
Nous on va y aller, de toute façon. Moi, je suis morte ! Il est quelle heure… ? Woa ! (Se levant) On va aller libérer ta chère et tendre baby sitter, hein ?
JEAN-FABRICE
Mais si tu veux. Tes désirs sont des ordres, patronne !
Dans le coin cuisine, Léa se colle à Florent.
LÉA
Mais tu bandes ??!
FLORENT
Mais qu’est ce que tu racontes ?
Léa tend sa main sur le sexe de Florent.
LÉA
Mais si, tu bandes ! Mais t’es un porc ! Toi t’es là en face d’Alexandra, tu la mates, tu la bouffes des yeux ! Elle te dis qu’elle est libre et ça y est, c’est parti !… Mais t’es un grand malade !
FLORENT
Hein ? Mais pas du tout ! Mais…
Alexandra et Jean-Fabrice entrent dans la cuisine en tenant des plats, et les surprennent en position équivoque.
ALEXANDRA
Je pose ça où ? Ouh, pardon !
JEAN-FAB
Ah oui, carrément ! pris en flag ! (Posant les plats) Attendez au moins qu’on soit parti pour vous grimper dessus… Pensez aux couples en détresse sans sexualité, un peu de retenue pour nos petits frères des pauvres…
LÉA, gênée
Non, euh… Mais pas la peine de débarrassez, posez ça là ! On rangera demain ! Ne vous en faites pas !
Alexandra embrasse Léa.
ALEXANDRA
Bon ben on vous laisse, hein ! Vous avez un anniversaire à fêter ! Visiblement ça va être chaud !
FLORENT, gêné
Eh eh ! Oui, je… Je crois que ça va être très chaud… Manteau ? 
LÉA
Manteau ! Florent, allez !
FLORENT
Oui oui, manteaux ! Et bonne fin de soirée alors ! Alexandra…
D’un geste, Léa repousse Florent qui allait embrasser Alexandra. 
LÉA, embrassant Alexandra
Bon ben… ! Rentrez bien, alors !
ALEXANDRA
Léa, tu nous as régalés ! Comme à chaque fois ! Bravo encore ! À mardi, au Taï-shi !
LÉA
Et merci pour le massage !
JEAN-FAB
La prochaine fois chez nous, alors ! À charge de revanche !
FLORENT, refermant la porte
Voilà, on fait ça… ! À charge de revanche…
Florent a refermé la porte. 
FLORENT
« À charge de revanche ». Quelle  expression à la con, franchement… Si c’est une charge et une revanche, quelle haute opinion il s’est fait de la soirée !
Un silence. Florent débarrasse. Il réalise que Léa le fixe sans broncher. Florent continue de débarrasser l’air de rien mais le silence devient de plus en plus gênant. Il la regarde plusieurs fois. On sent le regard menaçant de Léa.
LÉA, brisant le silence
Alors ?
FLORENT
Quoi alors ?
LÉA
Alors, « monsieur avec sa tête chercheuse pointée vers le ciel », ça va ? Elle était bien, ta petite soirée ? Il a bien fantasmé, Popol ?
FLORENT
Popol ? 

LÉA, pointant son doigt vers le sexe de Florent
Popol !
FLORENT
Léa, s’il te plaît !
LÉA
Ah non non, il n’y a pas de « s’il te plait » ! Je ne vous ai pas trop dérangés, ta petite Alexandra-chérie et toi ? Hein ? Hein ? Et devant moi, en plus !! Mais tu t’es entendu ce soir ? Avec tes « mais Alexandra, tu es très en beauté, ce soir », tes «  Alexandra, cette discussion avec toi est tellement passionnante, je-suis-subjugué !! »
FLORENT
Léa, cette jalousie est totalement hors de propos… Tu te mets le doigt dans le coude jusqu’à l’œil, je te jure.
LÉA
Ah oui ? Et t’en connais beaucoup des filles qui resteraient stoïque alors que cette pute te bouffait des yeux ??
FLORENT
Une pute. N’importe quoi. Tu parles de ta meilleure amie là.
LÉA
Elle le te bouffait des yeux peut être ??
FLORENT
Elle ne me bouffait pas du tout des yeux…
LÉA, montant le ton
Non seulement elle te bouffait des yeux, mais elle te bouffait des yeux en t’annonçant que, ça y est, enfin, elle se remet sur le marché des célibataires ! Elle est libre. Et plus elle te bouffait des yeux, plus tu la bouffais des yeux !! Ose seulement dire le contraire !
FLORENT
Excuse-moi de te le dire, Léa, mais non seulement je te dis le contraire, mais je te le redis : tu fabules complètement. 
LÉA, s’énervant
Ah oui ? Et ton érection, je la fabule ? C’est pas du tout une preuve, ça ? Et arrête de bander ! Tu vois bien qu’on s’engueule là ! C’est moi qui fabule, et dans deux secondes tu vas me traiter d’hystérique, c’est ça ?
FLORENT
Si dans deux secondes tu deviens hystérique – et crois-moi, Léa, là tu en prends le chemin – alors oui, il est fort probable que je te dise que tu deviens hystérique. Je peux essayer d’en placer une ?
LÉA
Eh voilà ! Dès qu’on n’est pas d’accord avec vous, toutes les femmes sont des hystériques ! MEETOO, AU SECOURS ! Tu bandes pour une fille devant mes yeux mais c’est moi qui suis hystérique ! MOI, JE SUIS HYSTÉRIQUE ! JE SUIS HYSTÉRIQUE, MOI ? T’AS VU UNE HYSTÉRIQUE ICI ? AH BON, IL Y A UNE HYSTÉRIQUE ? PREMIÈRE NOUVELLE, JE NE VOIS PAS D’HYSTÉRIQUE LÀ !
FLORENT
Léa, ça y est. 
LÉA
QUOI ÇA Y EST ? 
FLORENT
Là, maintenant. Tu es hystérique. 
Léa prend sur elle, on sent qu’elle bout. Elle s’éloigne pour essayer de se calmer… mais revient à la charge.
LÉA
Mais t’es en manque à ce point mon p’tit père ? Ah mais première nouvelle !! Je croyais que je te satisfaisais sexuellement, excuse-moi de tomber des nues ! Mais qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? T’es en rut ? C’est les hormones, la pré-androphose ? Le démon de minuit ? Mais quel macho !
FLORENT
Macho ?! Moi…
LÉA
Elle est mieux que moi, Alexandra ? Excuse-moi, hein, on a le même âge, ON A EXACTEMENT LE MÊME ÂGE, mais j’estime être un tout petit peu mieux gaulée, pardon hein !
FLORENT
Mais arrête avec Alexandra ! Je me fous de cette fille, mais d’une force !
LÉA, lui cognant dans le sexe
Mais bien sûr ! Alors arrête !
FLORENT
Aïe ! Je m’en fous je te dis ! 
LÉA, lui recognant dans le sexe
Arrête alors !
FLORENT
Aïe ! Ça fait hyper mal ! 
LÉA
Au moins un peu de tenue ! Cache ton truc là ! T’es ridicule !
FLORENT, attrapant un poncho en déco qu’il noue à sa taille
Comme ça ? Je suis vraiment moins ridicule là ? 
LÉA
Alexandra, ce n’est pas ton amie peut être ?!
FLORENT
C’est ton amie avant d’être mon amie, qui l’a invitée ? 
LÉA
Moi ! Mais…
FLORENT, la coupant
Qui fait du Taï Chi et du Pilate les mardi et vendredi avec elle ?
LÉA
Moi. Mais…
FLORENT, la coupant
Qui brunche avec elle au moins une fois par semaine – quand ce n’est pas deux - et me disait pas plus tard qu’hier qu’elle était une de ses trois meilleures amies ?
LÉA
Que j’étais naïve ! Quelle conne ! Mais quelle conne ! 
FLORENT
Je te jure, Léa, que cette fille me ferait des avances – et elle était loin de m’en faire, crois-moi, je l’ai déjà vue à l’œuvre, elle a davantage de dangerosité quand elle s’acharne sur sa proie – que c’est bien la dernière femme vers qui je me tournerai si je devais un jour – et je te préviens, ça n’arrivera pas ! – fantasmer sur une autre que toi. (Il monte le ton) Merde, crois-moi ! Pour tout te dire, je la trouve d’une beauté…
LÉA
D’une beauté ?
FLORENT
... un peu désespérante.
LÉA
Un peu désespérante… ? (Elle lui recogne le sexe.)

FLORENT
Aïe ! Mais si, une beauté un peu sèche ! Trop d’effort dans la séduction forcée ! À la différence de toi, par exemple, qui a une beauté nettement plus… (Il cherche le bon mot.)
LÉA
Nettement plus… ?
FLORENT, hésitante
Nettement plus…
LÉA
Vas-y, dis-moi ! Nettement plus quoi ?
FLORENT
Euh… Classique.
LÉA
Classique ?
FLORENT
Oui, classique. C’est une qualité, « classique », c’est…
LÉA
C’est classique.
FLORENT
Voilà. C’est classique, c’est intemporel, ça n’a pas d’âge, c’est sobre, c’est joli, c’est…
LÉA
C’est classique : c’est vieux, c’est moche, c’est poussiéreux !
FLORENT
Mais non ! Mais pas du tout !
LÉA 
Ah ça j’ai pas le temps d’avoir une beauté tape-à-l’oeil, moi ! Je suis d’accord ! Je bosse moi, je ne dépends pas d’un mec, je ne passe pas mes journées à faire les boutiques, à m’épiler tous les deux jours, à minauder... Tu penses encore à elle, hein avoue ?
FLORENT
Mais non !! Mais je me fous d’elle !
LÉA
T’es érigé encore ?
FLORENT
Comment ça, « je suis érigé » ?
D’une main, Léa attrapé Florent par sa virilité sous le poncho.
LÉA
Mais oui, tu es érigé ! Florent ! Tu trouves que je suis un peu hystérique, je peux être bien plus hystérique crois-moi. Arrête de penser à cette fille, et tout de suite ! 
FLORENT, tenu sous le poncho
Léa ! Arrête arrête arrête, tu me fais mal. J’ai la masculinité extrêmement sensible !
LÉA
Florent ! Arrête ! Si tu m’aimes, arrête de bander ! Arrête tout de suite !
FLORENT
Je ne peux pas.
LÉA
Arrête je te dis !
FLORENT
J’essaie ! Je voudrais bien je te jure ! Je ne peux pas.
LÉA
Florent !
FLORENT
Je ne peux pas, je te dis.
LÉA
Tu ne peux pas ! Tu ne veux pas !
FLORENT
C’est bien plus ridicule que ça. (Il prend des forces) Bon, je vais te le dire ! C’est… 
LÉA
Quoi ? C’est quoi ?! 
FLORENT
Tu veux vraiment savoir ? Eh bien… C’est ton anniversaire ce soir. Et je pensais bien faire… J’avais envie d’un cadeau un peu innovant… Un peu amusant…
LÉA
Et… ?
FLORENT
Et c’était un cadeau… C’était une surprise pour toi...
LÉA
Une surprise ?
FLORENT
Oui. Une surprise.
LÉA, impatiente
Vas-y, dis-moi ! Jette-toi à l’eau, accouche ! Quelle sorte de surprise ?
Florent marque un silence. On le sent honteux.
FLORENT
Voilà… C’est… C’est cadeau ! C’est une vasodilatation, si tu veux tout savoir.
LÉA
Une QUOI ?

RIDEAU. FIN DE L’ACTE 1.
































Acte 2

On retrouve Florent et Léa face à face. Florent tente une explication.
FLORENT
Une vasodilatation. En l’occurrence ici, on peut parler de stimulation artificielle particulièrement localisée... 
LÉA
Je ne comprends rien ! Mais alors, je ne comprends rien du tout. Je suis conne ou quoi ?
FLORENT
Non non ! Bon, je t’aide. Le nom technique, c’est citrate de sildénafil… (Tête de léa) En langage courant, Viagra si tu préfères. 
LÉA, amusée
Via… ?? Mais en quoi toi, tu… (Son visage se décompose) Dis-moi que ce n’est pas vrai ??
FLORENT
Euh… Eh eh, si.
LÉA
Non ! Ne me dit pas que…

FLORENT
Mais si, c’est drôle ! Je me suis dit entre nous, offrir ça comme cadeau, c’est décalé, c’est fun, c’est… (Il sourit, indiquant son érection) Voilà ! Joyeux anniversaire, mon amour. 
Léa va chercher la bouteille de champagne et se verse une coupe de façon désespérée. Finalement elle boit à la bouteille. Elle s’affale sur le canapé, anéantie.
LÉA
Tu me fais marcher ? Tu me parles de la petite pilule, là, le truc pour les vieux, (elle mime un sexe mou de sa main) quand ils ont le truc tout mou, que ça ne bouge plus du tout, c’est fripé tout endormi ? 
FLORENT
Non mais pour les vieux… Non non, pas que pour les vieux, c’est aussi pour… 
LÉA
Si, le truc pour les vieux ! Pour ceux qui ne bandent plus, qui ont des femmes vieilles, moches et fripées, et qui pallient leur absence manifeste de désir par… (Elle réalise, soudain inquiète) Tu as besoin de ça pour me faire l’amour ?
FLORENT
Mais bien sûr que non !
LÉA
Si, visiblement tu as besoin de ça pour me faire l’amour. Mon dieu, on en est là ! Tu ne m’aimes plus. 
FLORENT
Mais si !!
LÉA
Non. J’ai quarante sept ans, non, quarante huit aujourd’hui, et ça y est, tu n’as plus de désir. C’est arrivé.
FLORENT
Mais non ! Je t’assure que non ! Mais je n’en prends jamais je te jure !
LÉA
C’était la première fois ?
FLORENT
Mais bien-sûr !
LÉA
Florent ! Dis-moi la vérité ! C’était la première fois ?

FLORENT
Je te jure !!
LÉA
Florent ! C’était la première fois OUI OU NON ?
FLORENT
OUI ! Oui… Presque. 
LÉA
PRESQUE ? 
FLORENT
… 
LÉA
Ce « presque » ne me plaît pas du tout.
FLORENT
Mais je te jure que je n’ai pas besoin de ça, Léa ! C’était pour la déconne, pour le fun ! Les enfants ne dorment pas chez nous, je me suis dit « allez c’est ton anniversaire, ce soir grosse soirée baise ». 
LÉA
Toi tu t’es dis « ce soir grosse soirée baise » ? 
FLORENT
Euh non, pas exactement comme ça. Léa ! Si quelqu’un n’a pas besoin de ça, c’est bien moi ! Tu me connais !
LÉA
Donc tu as été dans une pharmacie, et toi, Florent, tu es entré, tu as dis « bonjour monsieur - ou bonjour, madame – moi, Florent Cuvellier, je voudrais une boite de ce célèbre médicament préconisé en cas de défaillance sexuelle, qui va provoquer un afflux sanguin dans mon pénis afin d’honorer ma partenaire sexuelle pour une grosse soirée baise, c’est bien ça ?
FLORENT
Pas exactement.
LÉA, soudain inquiète
Tu n’as pas été à la Pharmacie de madame Vautrain ???
FLORENT
Quelle importance ?
LÉA
Florent ! Dis-moi ! Tu n’as pas été à la Pharmacie de madame 
Vautrain ?
FLORENT
Non, j’ai été… (S’agaçant) Mais je ne sais plus, moi, une pharmacie, au hasard, en sortant du boulot…
LÉA
Tu as la boite ici ?
FLORENT
La boite… ? 
LÉA
Mais la boite ! Arrête de ne rien comprendre à rien ! Qu’est-ce que tu peux être agaçant quand tu es comme ça !
FLORENT
La boite, ah oui oui ! Dans ma sacoche boulot.
LÉA, se levant, elle prend ses lunettes de vue
Dans ta sacoche boulot ! Ah mais bien-sûr, belle métaphore.
Léa saisit la sacoche, fouille, s’énerve, jette tout au sol et lit le papier à l’intérieur de la boite de comprimés.
LÉA
Ah voilà !« Agit sur les mécanismes naturels de l'érection, entrainant un stimuli sanguin pour les hommes souffrant de dysfonction érectile d'origines diverses. » C’est pas moi qui le dit, t’as vu c’est écrit !« … dysfonction érectile d'origines diverses… Et là,troubles d’érection d’origine vasculaire ou nerveuse, en dosage de 25, 50, ou 100 grammes. »(Elle ôte ses lunettes).Tu as pris quelle dose ?
FLORENT
Ah, je ne sais pas… (S’approchant) Pourquoi, il y a des doses ? Ah, première nouvelle.
LÉA, lisant
Tu as pris des comprimés de 100 grammes, Florent. Ah oui donc, gros calibre. « Bon anniversaire ma chérie, ce soir ça va être la fête du slip ! » Je rêve !  
FLORENT
Ah 100 grammes ? Je n’y connais rien, j’ai pris ce qu’on m’a conseillé…
LÉA
Un pharmacien ou une pharmacienne ? 
FLORENT
Quelle différence ?
LÉA
Aucune ! Je déraille ! Une clope ! Je veux une clope !
S’emmitouflant dans un anorak, Léa ouvre la fenêtre et va fumer devant la petite terrasse. De petits flocons volent dans les airs.
LÉA
Ah, je respire.
FLORENT
Léa, je te rappelle que t’as arrêté.
LÉA
Je te rappelle que c’est toi qui a commencé.
Florent approche.
FLORENT
Ça caille, bon sang ! C’est de la neige, tu crois ? Bon allez, Léa, maintenant que tout est dit, clarifié… On se réconcilie ?
LÉA
C’est bien toi, ça. Tu t’escrimes à minimiser ton crime.
FLORENT
Un crime, mais tout de suite ! De tous les crimes, franchement, vouloir te faire jouir c’est le plus pardonnable. C’était censé être un cadeau, je te rappelle. 
LÉA
Un cadeau ? Comme le parfum pour ta mère ? Ah mais si tu superposes les deux images, excuse-moi mon cœur, t’étonnes si tu n’arrives pas à bander !
FLORENT
Léa… (Il la prend dans ses bras.)
LÉA
Parce que tu crois que ça ne me fait pas déjà assez mal au cul de vieillir ? Excuse-moi, oui je suis vulgaire. Toi tu bandes, j’ai le droit d’être vulgaire. Et arrête de te frotter comme ça ! Tu crois que je ne sens pas ton truc ?
FLORENT
Pardon pardon ! C’est un réflexe mécanique, je ne m’étais pas rendu compte. 
Des bruits se font entendre à l’étage au dessus. Une fête de jeune, visiblement.
LÉA
EH ! Là-haut ? Ça ne vous dérange pas de nous empêcher de dormir avec votre zim-boum ? Vous savez l’heure qu’il est ? (À Florent) C’est mon anniversaire, merde, ils pourraient respecter !
UNE VOIX D’EN HAUT
Ta gueule vielle chouette !
LÉA
Qu’est-ce qu’il a dit ?
FLORENT
Rien ! Rien il n’a rien dit.
LÉA, regardant en l’air
Qu’est-ce que t’a dit ??
FLORENT
Il n’a rien dit. Détends toi, Léa. Viens te coucher, allez !
LÉA
Non, je ne me couche pas avec toi, traitre ! Hors de question !
FLORENT
Mais arrête, Léa ! Mais tout le monde en prend du Viagra ! Ça ou autre chose, tiens toi, ta DHEA le matin ! Et tes comprimés vitaminés, B6, B8, B12 avant d’aller bosser, pour te donner du courage !
LÉA
Jolie extrapolation de ta corvée conjugale. Arrête, tu t’enfonces.
FLORENT
Mais non mais… Je dis juste que c’est autorisé, homologué, distribué dans le commerce, c’est pour le fun, c’est la magic touch, tout le monde a pris, prend ou prendra du Viagra, c’est comme ça, que tu le veuilles ou non !
LÉA
Tout le monde ? Jean-Fabrice, il en prend lui ?
FLORENT
Non, Jean-Fabrice, je ne sais pas ! Mais il devrait peut être ! Atchhhaa ! (Il s’enrhume. Les flocons s’intensifient sur le balcon.) Ah, ça commence à bien tomber, t’as vu !
LÉA
Je le traite de traitre, il me parle de la pluie et du beau temps. Tu dégonfles ?
FLORENT
Je dégonfle ?

LÉA
Oui, là, tu te dégonfles ? Ça pchiouuute ?
FLORENT
Ah non. Ça pchoiuuute pas. Mais c’et totalement indépendant de ma volonté. Je ne suis plus responsable de rien : une fois la pilule avalée… C’est comme un corps séparé. Il vit sa vie, je vis ma vie.
LÉA
Ça me stresse moi de te savoir hérissé comme ça ! Allez, va-t-en ! Va sur le canapé, là-bas ! Allez-allez ! (Florent s’exécute). Et tu vas rester avec ta tête chercheuse à 90 degrés encore combien de temps ?
FLORENT
Entre six et huit heures. 
LÉA
Quoi ?
FLORENT, penaud
Oui, j’ai avalé le cacheton à vingt deux heures trente, je pensais 
qu’Alex et Jean-Fab partiraient plus tôt, je m’étais calé... 
LÉA
Ah tu t’étais calé. Tu fais des calculs savants…
FLORENT
… Et comme ça fait effet au bout d’une heure… 
LÉA
Et quel effet ! Bravo !
Léa referme la fenêtre, elle attrape la bouteille de champagne et boit, et se pose sur le canapé, à l’extrême opposé de Florent.
LÉA
T’as raison ça caille. Et l’eau froide ? Si tu prends une douche  froide ?
Tête dubitative de Florent.
LÉA
Une douche très très très très froide ?
FLORENT
Ça ne marchera pas. C’est enclenché, la machine est en route, je ne peux plus l’enrayer : les vaisseaux sont dilatés, le cœur pompe plus que de coutume et le sang afflux dans la verge…

LÉA
C’est bon, c’est bon, j’ai compris ! Six à huit heures ?
FLORENT
Six à huit heures. 
LÉA
… Tu vas bander six à huit heures d’affilée la nuit où je découvre ton absence de désir à mon endroit. C’est à se pendre. 
Un silence.
LÉA
Ce n’est pas tant le fait que tu ais avalé ce médicament qui me bouleverse, comprend bien, mais le fait de ne pas avoir été mise dans la confidence. D’une certaine façon tu m’as trompée.
FLORENT, avançant sur le canapé vers elle
Mais c’est pas vrai. T’es pas du tout obsessionnelle comme fille…
LÉA, se poussant un peu plus loin au bord du canapé
Si tu m’as trompé. Pas avec une autre, mais tu as introduis le mensonge dans notre relation, et ça je trouve ça très très grave. Comprends que le seul pouvoir de vasodilatation sur toi, j’entendais l’exercer seule. Ce qu’on vit là ce soir ce n’est pas rien dans l’histoire d’un couple. Tu nous imagines faisant l’amour, après ça ?
FLORENT, se grattant sous le poncho
Euh, oui… J’imagine assez facilement, oui... (Il avance vers elle sur le canapé.) 
LÉA, glissant hors du canapé
Eh bien moi non. Et reste où tu es, garde tes distances ! 
FLORENT
Non mais ce n’est pas non plus un grand fauve sauvage, ça ne va pas te sauter dessus comme ça, d’un coup. J’ai quand même un certain contrôle sur la bête. Je veux dire, elle est rattachée à moi… Jusqu’à preuve du contraire…
LÉA
Il m’avait bien semblé sentir, depuis quelques temps, une certaine rugosité dans tes érections.
FLORENT
Une certaine rugosité dans mes érections ?

LÉA, s’agaçant
Oui, un manque d’amour, un déficit de sentiment, appelle ça comme tu le voudras. J’ai des antennes pour sentir ces choses-là, tu sais.
FLORENT
Bon. Cette fois j’abandonne, t’es en roue libre... Moi et la bête on abandonne, on va se coucher…
Florent se dirige vers la chambre.
FLORENT
Pardon mais on est là à s’embrouiller pour une petite virilité de rien du tout médicalement assistée, sur combien de nuits, combien de saillies naturelles ? Mille, dix mille ?? Excuse-moi, c’est quand même faire grand cas de bien peu de choses.
LÉA, les yeux dans le vide
Tu ne fais grand cas de rien. Tu vis à côté de moi, parfois même dans moi… Mais toi, rien ne te touche. Tu ne vois pas l’essentiel, Florent…
FLORENT
Ah oui… Quel essentiel ?
LÉA
La vexation. 
Tu as eu recours à un artifice pharmaceutique pour exprimer 
ton désir. Je ne te reproche pas de vouloir maintenir tes ambitions de performance, mais mets-toi à ma place… Combien de fois je me suis faite ainsi berner ? Une fois, dix fois, cent fois ? Oui, il y a une indélicatesse à m’avoir leurrée d’un faux désir, et à m’avoir satisfaite – et encore, pas toujours – d’une érection qui fut parfois plus pharmaceutique qu’amoureuse. 
FLORENT, qui partait, revient
Comment ça, « et encore, pas toujours ? »
LÉA, froide
Tu le sais très bien. 
FLORENT
Non, je ne sais pas très bien. 
LÉA
Mais si, tu le sais très bien !
FLORENT, revenant vers elle
Mais non ! On n’en parle jamais, tu es toujours très discrète sur tes ressentis.
LÉA
On n’en parle jamais parce que tu le sais très bien.
FLORENT
Ah d’accord. Je le sais très bien.
LÉA
Oui. Tu le ais très bien. (Un temps) Certaines fois, tu n’es pas toujours au top, Florent.
FLORENT
Si tu veux tout savoir, c’est peut être ces quelques fois là qui m’ont poussés à être pharmaceutiquement assisté. Et puis, la jouissance d’une femme n’est pas une science exacte, c’est toi même qui le dit. Tu n’as jamais triché, toi, mon cœur ? Ne serait-ce qu’un petit peu ?
LÉA
Moi ? Jamais. 
FLORENT
Jamais ?
LÉA
Jamais-jamais. 
FLORENT, attrapant une revue de fille 
« 95 % des femmes avouent avoir simulé », au hasard, mais toi, non ! Jamais ! Tu es l’excitation qui confirme la règle !
LÉA
Je ne simule jamais, je t’assure. Jamais ! (bas) Tout au plus…
FLORENT
Ah ! Tout au plus… ?
LÉA
Tout au plus… Je t’encourage.
FLORENT
Ah tu m’encourages ?!
LÉA, agacée
Mais oui, je t’encourage à finir, si ça traine un peu en longueur, je me laisse aller à exprimer ce que je ressens un peu plus que ce que je ressens afin que tu comprennes à ton tour que oui, là, maintenant, c’est bon, c’est le moment de conclure. 
FLORENT
Ah oui, tu ne simules pas toi donc… tu encourages ?

LÉA
Voilà ! Exactement. Et ça n’a rien à voir. 
FLORENT
Et une question, s’il te plait… Tu m’encourages souvent comme ça ? Ça m’intéresse de savoir. 
LÉA
Mais non. Pas souvent ! Je ne sais pas ! Ça dépend ! Tu m’agaces, Florent !
FLORENT
Ah ok… ça dépend… Non, c’est bien, très bien…
LÉA, se levant
Oh, ne t’érige pas en martyr s’il te plait ! Le premier qui simule ici , c’est toi. (Mimant une érection) Chtoïng ! C’est qui ça ? Chtoïng !
FLORENT
Je ne faisais que t’encourager, tout comme toi. Tu m’encourages à finir, je t’encourage à commencer. Je suppose que c’est ça, un couple idéal : on se complète. (Il s’approche du canapé et défait sa chemise). En tout cas, au moins… on se chamaille encore… comme au premier jour… (Il se caresse le torse).
LÉA
Qu’est-ce que tu fais ?
FLORENT
Moi, rien. Je me chamaille tout seul puisque tu ne veux pas jouer... Je me chamaille… en attendant qu’on se chamaille à deux…
Florent se contorsionne dans une danse approximative censée éveiller le désir de Léa.  
FLORENT
Ça te plait ? 
LÉA
C’est censé être érotique, ça ?
FLORENT
C’est censé, oui.
Florent est debout et danse, il démarre un striptease langoureux. Il se tourne et agite son postérieur sous l’œil médusé de Léa.
LÉA
Tu vas bien, Florent ? Tu te sens dans ton état normal ? 
FLORENT
Oui… Oui… eh toi ?
LÉA
Tu as pris d’autres choses comme médoc ? Tu as dépassé la dose non ?
Florent se lance dans une grande danse façon lac de cygnes… Il met un CD de classique, il s’élance, court dans l’appartement, se caresse les cheveux, se veut sensuel et créatif.
LÉA
Florent…
FLORENT
Laisse-toi aller à tes émotions… arrête de tout intellectualisé comme ça… Débranche ton cerveau… C’est ton anniversaire… C’est cadeau… JE SUIS CADEAU…
Florent l’embrasse dans le cou en passant.
LÉA
Mais arrête ! 
FLORENT, dansant
Les enfants ne sont pas là… L’appartement est à nous deux…
Léa est de plus en plus étonnée. Florent défait sa chemise.
FLORENT, dansant
Mes mollets… Tu les aimes, mes mollets ? 
LÉA
Pardon ?
FLORENT, dansant
Et mes jambes… 
LÉA, se levant pour couper la musique
Oui oui, je les aime tes jambes, j’aime tes fesses, j’aime tout. J’ai vu le film, ça va.
FLORENT, continuant de danser
Tu les aimes, mes jambes ? Et oui, mes fesses ? Tu les aimes, mes fesses… ?
Florent joue avec le poncho comme le ferait un stripteaseur.
LÉA, coupant court
Bon maintenant tu te calmes ! Tu arrêtes ça !
Léa déplie le canapé-lit bruyamment de façon énervée. 

FLORENT
Qu’est-ce que tu fais ???
LÉA
Je fais ton lit. STOP ! Toi et ton machin vasodilaté vous dormez ici, moi dans la chambre ! Et je ne veux plus t’entendre, tu me fous une paix royale ! DODO !
FLORENT
Non mais je sens que je vais faire des prouesses ce soir ! Je te jure, je…
LÉA
Fais-les tout seul ! BONNE NUIT ! 
FLORENT
Non mais… LÉA !
LÉA
La prochaine fois tu te souviendras : la moindre des politesses si tu t’ériges, tu t’ériges pour moi. Canapé !
FLORENT
Non mais pas ce canapé, il est tout pourri ! C’est le canapé-lit où dort ta mère…
LÉA, lui lançant un coussin à la figure
Raison de plus ! Si ça peut te calmer ! BONNE NUIT !
FLORENT
C’est pas cool, Léa. On était réconciliés là !
LÉA
TUétais réconcilié ! Pas moi !
Et Léa claque la porte de sa chambre, laissant Florent seul dans le salon. Léa réouvre la porte d’un coup.
LÉA
Ah et demain que je ne t’entende pas gratter à ma porte. Demain moi je fais grasse matinée, je me réveille quand je veux, je ne veux pas être emmerdé ! CIAO ! Joue bien avec Popol !
Léa reclaque la porte bruyamment. Florent reste seul dans le silence.
Il regarde son sexe.
FLORENT
PFFFF… Ah oui, tu ne me rends pas la vie facile toi ce soir. À partir de maintenant, c’est fini les conneries, hein ! C’est compris ? « Oui chef ». Mieux que ça, répète ! « Oui chef ! » Voilà, c’est mieux, je préfère.
Il attrape des coussins et s’installe sur le canapé. Il éteint. 
La lumière du sapin clignote. Le silence se fait. C’est alors que soudain… ça frappe à la porte de l’appartement. Florent se dresse sur son canapé. 
FLORENT
Quoi ??
Trois petits coups secs s’enchainent à nouveau. 
FLORENT 
Mais il est quelle heure ? C’est ici ? (Ça frappe à nouveau.) J’arrive, j’arrive !
Florent se lève. Il noue le poncho sur sa taille et va ouvrir, se demandant qui frappe ainsi à une heure pareille. Florent ouvre la porte. Face à lui, couverte de neige, Alexandra se tient debout sur le palier. Elle a visiblement pleuré et deux valises sont posées à ses pieds. 
FLORENT
Alexandra ? M… MAIS QU’EST-CE QUE TU FAIS LÀ ??

RIDEAU. FIN DE L’ACTE 2.

 A SUIVRE...




















-->